MODELISER LA SAGESSE DES CONTES AU XXIème SIECLE ?

Métaphore de mars 2022

 

Quel sens peut avoir la modélisation de la Sagesse de l’humanité, en regard des défis auxquels sont confrontés les êtres humains du XXIème siècle ?

Les mythes nous invitent à répondre à l’appel de notre destin, à devenir celui qui se confronte courageusement aux épreuves, vainc les dragons et se libère du superficiel, pour dévoiler son être profond. Cette réalité demeure aujourd’hui.

En fait, pas seulement Joseph Campbell et les PNListes de la troisième génération, de nombreux auteurs au fil des siècles ont écrit des histoires fertiles et inspirantes pour guider les humains à travers la complexité de l’existence. Ces récits indiquent des chemins pour trouver tout au fond de soi les ressources nécessaires. Le futur héros peut être appelé plus ou moins longtemps à se mettre en route. Dès le moment où son idéal le pousse à accepter le défi, il devient héros et cherche le trésor. Il va se heurter à des difficultés. Parfois, il est dans la survie et réagit impulsivement, mettant en œuvre des stratégies plus ou moins efficaces qui rappellent celles des héros universels. Finalement, il devient magicien et arrive au terme de sa quête… ou pas ! 

Nombre de PNListes reconnaissent ou ont reconnu, dans cette notion de voyage du héros décrit par Joseph Campbell, une structure archétypale, donc fondamentale et universelle à modéliser.

Plus spécifiquement, le monomythe de Campbell constitue dans son processus :

Campbell, Le héros aux mille et un visages, R. Laffont, 1977.

Comme l’ont rappelé J. Delozier, F. Doutriaux , E. Falcone, J. Turner et M. Scialom… lors du Congrès NLPNL de janvier 2022, auquel je regrette vraiment de n’avoir pu participer

Ces quatre applications du monomythe de Campbell offrent chacune des clés de modélisation précieuses en coaching ; elles mettent en évidence la pertinence de nos outils de PNL pour la conduite des êtres humains de notre temps.

Dans cet article, je mettrai en évidence un modèle de résolution de problèmes et les postures archétypales qui se rigidifient au fil du temps jusqu’à devenir identitaires. Dans un prochain numéro de Métaphore, je présenterai les deux facettes de la posture identitaire du héros, soit la posture de survie et la posture héroïque, avant d’évoquer la Quête du Graal qui fait du héros le Magicien de sa posture.

Les considérations évoquées ici sont tirées de : Christiane Grau Martenet et A.ngélique Wüthrich. Managez vos dragons comme les héros des contes. Optimisez votre coaching. Lyon, Chronique Sociale. 2021. 

Parcours archétypal du héros face aux dragons du quotidien

La métaphore fondamentale du dragon évoque tout obstacle qui s’oppose aux projets du héros et face auquel celui-ci adopte automatiquement une posture archétypale ou une autre. Le dragon résulte de la perception/représentation que la personne se fait d’une situation et l’état émotionnel, la posture, que cette représentation provoque.

La référence au modèle du voyage du héros dans le cadre de la résolution de problèmes se justifie par les stratégies et ressources propres à chaque archétype. Par exemple, en endossant le costume du Martyr ou du Guerrier, le héros mobilise des ressources différentes face au dragon, celles-ci ne pouvant être semblables puisque le rapport au dragon et l’interaction que le héros a avec lui, varient d’un archétype à l’autre.

Ainsi, pour soutenir la modélisation du voyage du héros pour résoudre des problèmes, il est nécessaire de rappeler à quel point nos perceptions et interprétations de la réalité sont inévitablement subjectives. Les analyses des situations difficiles – des dragons – portent toujours sur des informations tronquées, modifiées et c’est sur cette base que les êtres humains comprennent ce qui leur arrive et décident d’agir dans un sens ou un autre.

Autrement dit, le héros se confronte à toutes sortes de dragons plus ou moins menaçants avec qui il doit interagir pour gérer les obstacles qui entravent son chemin. En fait, sa perception de la réalité peut s’enrichir, se modifier au fil du temps jusqu’à ce qu’il puisse interpréter le dragon en magicien et réussir à le considérer comme une opportunité plutôt qu’une menace.

Résolution de problème par étapes : Evolution des postures face au dragon

Le héros, tant qu’il n’est pas conscient de l’existence du dragon, se trouve dans la situation d’un petit enfant entouré de sollicitude et d’amour, où tous ses besoins sont comblés, où il ignore les vicissitudes de l’existence. C’est un état de béatitude tranquille et naïve, typique de l’INNOCENT. Il croit que Dieu, ses parents ou son conjoint, ses amis ou son employeur vont contribuer à lui rendre la vie facile et agréable.

Dès le moment où sa lucidité s’aiguise, le héros prend conscience – en général brutalement – de l’existence d’un monstre menaçant. Cette situation le plonge dans l’angoisse. Il se sent accablé, écrasé ou encerclé, il a très peur d’être exploité et abandonné : il expérimente la situation de l’ORPHELIN, seul, obligé de se débrouiller dans un environnement hostile sans en avoir ni la force, ni les capacités. Cette phase, comme les autres peut durer longtemps – des années parfois – ou passer très vite.

Dès qu’il active la résignation, le héros va connaître une phase de MARTYR qui, en victime autoproclamée va accepter le dragon comme une inéluctable fatalité.

Lorsque, fatigué de subir le dragon sans trouver de sauveur, il active l’insouciance, il devient un VAGABOND capable de tourner le dos au problème, de le nier, avant de s’armer du courage nécessaire à le combattre en GUERRIER bien décidé à le terrasser une fois pour toutes. Finalement, épuisé ou blessé par la lutte, il prend du recul et sollicite son intelligence pour reconnaitre le dragon à sa juste dimension, le regarder sous toutes ses facettes et, en position de perception méta, décider de la stratégie la plus efficace à adopter en fonction de l’objectif qu’il poursuit. Voilà donc le héros devenu MAGICIEN de la résolution de ce problème ponctuel.

Ce parcours illustre les étapes-clés toujours présentes dans la même succession pour résoudre un problème en Magicien. Bien sûr, chaque être humain manage simultanément plusieurs dragons !

Pour la mallette du coach : Exemple de Résolution de problèmes sur le modèle du voyage du héros

Face à un dragon quelconque, lorsque le héros se trouve bloqué dans une posture, il a tendance à reproduire constamment les mêmes stratégies. Pour l’aider à tenter autre chose, sur des espaces posés au sol, il convient de l’amener à activer la ressource utile à changer de place -souvent il faut préalablement l’ancrer- et ainsi à habiter une posture différente, de façon à percevoir le dragon sous un autre angle et à y réagir différemment.

Le coach procède de la même façon, de posture en posture, jusqu’à la résolution du problème. Le parcours se ponctue par un ancrage et un pont sur le futur.

Caractéristiques des postures identitaires et suggestions de coaching

Ce parcours de résolution de problème, vous le connaissez forcément et vous avez expérimenté tous les archétypes évoqués précédemment. Parfois en Innocent, vous rêvez que le monde vous soit servi sur un plateau d’argent. Parfois, vous vous sentez comme un Orphelin démuni en attente d’une solution-miracle. Si elle n’arrive pas, vous vous en plaignez au premier sauveur de passage et voilà que vous habitez le costume archétypal du Martyr. Dans d’autres circonstances, comme un Vagabond, vous vous méfiez des autres et voulez vous débrouiller seul. D’autres fois, vous vous sentez une âme de Guerrier courageux prêt à s’engager et à combattre pour terrasser le dragon. Parfois vous avez intégré les leçons de tous ces archétypes et savez vivre en équilibre intérieur, en harmonie avec les autres, la nature et le surnaturel… sachant faire confiance et vous faire confiance, capable d’autonomie, de bonté et d’efficacité. Dans ce cas, vous faites preuve d’une conscience de Magicien. Ce sont des attitudes ponctuelles.

Cependant, en plus, chaque être humain se caractérise par une posture qui signe qui il est, dans laquelle il se reconnait bien, celle sur laquelle il s’arrête le plus souvent et le plus longtemps face aux différents problèmes. Non qu’elle soit confortable, mais le héros la connait. Les stratégies qui lui sont liées lui sont familières et aisées. Elles correspondent à qui il croit être et à la représentation qu’il se fait de ce que vivre signifie. C’est comme si le héros était parfois bloqué dans un rôle défini et que ses réponses s’exprimaient spontanément, de façon répétitive, avant même qu’il ait analysé la situation. C’est sa posture identitaire, ce qui fait qu’il est qui il est et que ses réactions sont prévisibles par ceux qui le connaissent.

Autrement dit, chacun exprime par son corps, son langage, ses pensées, ses émotions, des attitudes et comportements relativement stables qui caractérisent sa posture, posture qui ressemble à celle des héros des contes, et que vous allez facilement reconnaître.

Les descriptions ci-dessous sont similaires aux étapes correspondantes du parcours de résolution de problèmes, mais elles s’en distinguent par le fait qu’elles s’expriment spontanément, presque tout le temps au quotidien.

L’INNOCENT

Comme déjà dit, la posture de l’Innocent est comparable à celle d’un petit enfant, pas encore conscient des dangers du monde extérieur. Son corps est détendu, léger et mobile, son regard grand ouvert est imprécisément dirigé et il marche en sautillant.

Il n’a pas une conscience de soi claire et se trouve heureux, pense qu’il a de la chance et que tout va bien. Pour lui, le dragon n’existe pas, il n’a par conséquent aucune stratégie de survie particulière.

S’il a des ressources, elles ne sont pas conscientisées et il n’a aucune peur fondamentale. Il se laisse conseiller et guider par autrui plutôt passivement.

Pour permettre à ce type de héros de grandir, il s’agit de le rendre attentif à l’environnement de façon à ce qu’il acquiert la lucidité nécessaire à prendre conscience de ce qui se passe. Le guide oriente donc la perception de l’Innocent sur l’environnement.

Les types de leadership relatifs aux différentes postures identitaires sont inspirés de R. Dilts, Être coach – De la recherche de la performance à l’éveil, InterÉditions, 2008.  

L'ORPHELIN

Le héros dans une posture d’Orphelin se reconnaît facilement à son attitude figée, affaissée, déséquilibrée. Il respire irrégulièrement, par saccades. Sa démarche est hésitante ou bloquée, généralement sur un rythme irrégulier. Il voit le dragon énorme et effrayant et pense que celui-ci va le tuer. Il se perçoit petit, seul comme un enfant démuni et abandonné. Il est égocentré et peine à envisager la situation avec le recul nécessaire à choisir le meilleur chemin. Il croit que cette situation n’est pas possible et que quelqu’un viendra le sauver. Dans le meilleur des cas, sa stratégie de survie est la fuite. Le plus souvent il reste tétanisé, bloqué et attend désespérément de l’aide.

Ses ressources sont l’espoir, l’ouverture aux autres et la flexibilité, avec l’inconvénient qu’il se soumet souvent aux désirs et aux attentes extérieures, changeant d’avis au gré des influences, tant sa peur fondamentale de devoir s’en sortir seul est forte.

Pour aider l’Orphelin à gérer les urgences qui le mettent dans un état de grand stress, le coach lui indique précisément et ponctuellement ce qu’il doit faire. 

MARTYR

Généralement, le Martyr se déplace dans une posture affligée, déséquilibrée, la tête, les épaules et le regard baissés, sa respiration est irrégulière et lente, sa démarche lourde.

Il se sent victime, défavorisé et malchanceux. Il craint plus que tout d’être abandonné et souffre du manque de reconnaissance dont il est l’objet.

Ses ressources sont nombreuses : la générosité, le perfectionnisme, le courage, l’endurance, l’adaptation… Sa stratégie principale est la plainte. On retrouve cette structure dans beaucoup de contes pour enfants : Blanche-Neige et Cendrillon entre leurs méchantes belles-mères et leurs princes charmants, le Chaperon rouge entre le loup et le chasseur ou la grand-mère…

Les recadrages sont particulièrement efficaces pour ouvrir au Martyr d’autres hypothèses, d’autres croyances, d’autres chemins possibles. Le Martyr a besoin d’un coach enseignant qui l’encourage à développer ses propres stratégies pour atteindre ses objectifs et activer sa motivation de héros.

VAGABOND

Le héros Vagabond se promène seul, se réfugie dans un autre monde ; il erre, insouciant à la rencontre de l’inconnu, dans le monde ou à l’intérieur de lui-même. Il marche et agit dans une posture peu alignée, posé sur un seul pied, le regard et les gestes orientés en haut à sa droite, le dos tourné au Dragon. Il se sent étranger à la vie et aux autres, se veut dissident. Il pense qu’on n’est jamais si bien servi que par soi-même et que, quel que soit le prix, il veut mieux mener sa route seul, rester libre.

Ses ressources sont la confiance en soi, l’insouciance, l’autonomie et la curiosité.

Il recherche désespérément un remède miracle ou des gratifications immédiates – drogues, travail, relation… ou autre comportement compulsif – qui l’aideront à vivre sa condition humaine. Il rêve d’une vie facile, comme gagner au loto ou hériter, plutôt que de travailler. Il nie la réalité de la souffrance et n’admet pas que la rareté et la mort font inévitablement partie de la vie.

Il a besoin d’un mentor crédible qui l’encourage, lui inspire des valeurs et lui donne des permissions pour grandir, trouver son identité, sa vocation tout en conservant son autonomie.

GUERRIER

Le Guerrier s’applique à être fort et efficace, à éviter la faiblesse, l’inefficacité et la passivité, il veut influencer le monde. Pour cela, il utilise la force, la discipline, la volonté et la lutte.

Sa tâche est d’avoir toujours plus d’assurance, de confiance, de courage, de respect de soi et des autres, jusqu’à ce que trop fatigué, il rende les armes pour devenir authentique avec lui-même et avec les autres.

Pour l’aider le Guerrier à donner le meilleur de lui-même, le coach – comme un parent – le reconnaît inconditionnellement digne de confiance et lui offre les conditions nécessaires à sa réalisation personnelle et/ou professionnelle.

MAGICIEN

Le Magicien est particulièrement équilibré, le poids de son corps est également réparti sur ses deux jambes, son tonus, sa respiration, sa démarche et ses gestes sont naturels et calmes.

Il se perçoit comme un être humain accompli, un être spirituel en synchronicité avec les autres et le monde. Il croit que la vie a du sens, qu’elle est à inventer à chaque instant par lui et avec tous les êtres vivants.

Il considère les dragons comme des situations ordinaires, normales. Ce sont des opportunités de développement, des cadeaux de la vie.

Il possède de nombreuses stratégies qu’il utilise avec une grande flexibilité. Il a un haut niveau de conscience et se tient en position méta.

Ses ressources sont l’authenticité, l’humilité, la créativité, la confiance en soi et dans les autres, l’amour universel. Il sait utiliser les ressources des autres postures, comme s’il les avait dans sa boîte à outils. Généralement, il accepte et intègre le dragon pour le faire sortir au grand jour et le transformer. Il s’amuse à lui tourner autour, à en prendre la juste mesure, à négocier avec lui ou à se confronter à lui sur l’échiquier. Il veut attirer à lui ce dont il a besoin selon les lois de la synchronicité. Sa tâche est de vivre dans la joie, l’abondance, la foi, la fidélité à sa sagesse intérieure.

Le Magicien est souvent dominé par un ego surdimensionné ce qui risque de l’amener à utiliser ses ressources à mauvais escient. Il a besoin d’être coaché par un leader charismatique dont le rôle consiste à lui partager sa propre vision pour susciter chez lui l’émergence d’une vision plus large d’un monde idéal auquel il voudra contribuer.

La connaissance du comportement humain sous l’angle des postures identitaires archétypales permet de mieux se manager soi-même et de coacher efficacement tout être humain.

Christiane Grau Martenet

Commander un ouvrage